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Entre quatre yeux: Marie Theulot

Marie Theulot a publié un premier roman, «Le plongeon interdit», une romance fictive dont l’action se situe dans l’Allemagne nazie des années 30. Rencontre avec une sexagénaire dynamique et motivée

Vous fêtez vos soixante ans cette année. Comment appréhendez-vous cette nouvelle étape de vie?

Très sereinement et avec curiosité. Chaque décennie est porteuse d’étapes particulières à découvrir. Le plus long chemin de ma vie est déjà fait. Je considère chaque jour comme un cadeau.

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Régulièrement, je relis le Psaume 90 qui m’apprend à «bien compter mes jours» et à demander, comme David: «Fais prospérer l’ouvrage de nos mains!»

Vous avez mené de front l’éducation de vos enfants, une carrière dans l’instruction publique, des activités sociales et de conférencière. Quelle énergie!

Quand on est convaincue d’être à sa place, qu’on a des projets et qu’on travaille des sujets qui nous touchent, la joie et la paix deviennent un socle et un moteur. Le pasteur Rick Warren en parle comme de «saintes passions». Et quand le doute perfide s’insinue, j’ai un mari attentif qui m’écoute et qui remet la machine en route.

Avez-vous toujours rêvé d’écrire un roman ou est-ce un projet de jeune retraitée?

J’ai toujours aimé l’histoire et le français et effectivement, je profite de ma retraite pour écrire sur ce qui me tient à cœur. J’ai du temps pour «glaner» dans les lectures tout ce que j’ai besoin pour écrire. Je fonctionne de la même façon sur le plan spirituel, pour que ma foi s’affermisse.

Comment votre foi influence-t-elle votre écriture?

Simplement, je tiens à écrire sur les valeurs de paix, de tolérance, d’amour véritable pour mettre en garde contre tout ce qui peut discriminer mon prochain. Je n’oublie jamais que l’Evangile veut dire «bonne nouvelle». Je sais que dans chaque projet d’écriture j’aurai toujours un personnage portant bien haut ces valeurs. C’est important face au «culte de l’horreur» et à l’absence de repères dans la culture actuelle.

Votre premier roman remporte un joli succès. D’où vient votre intérêt pour cette période de l’Histoire?

Je suis convaincue qu’il est important de travailler en amont sur de tels événements aussi tragiques qu’un génocide ou une guerre mondiale. Et l’année 1938 est une année charnière dans la chronologie du nazisme. Simone Veil, survivante de l’Holocauste, qui a signé ma préface, ne s’y est pas trompée.

J’ai eu un grand-père commissaire de police républicain, résistant dès 1940 et un père qui, à l’âge de seize ans ans, se levait à trois heures du matin pour prévenir les familles juives qu’on devait arrêter. Mon père était très discret sur ses actes de sauvetage. C’est au cours du repas de Noël en 1990 que, pressé par sa famille, il s’est décidé à faire des recherches.

Comment cette histoire familiale a-t-elle marqué ou orienté votre vie?

Mon grand-père et mon père ont dû me transmettre des gènes de rébellion contre toute injustice. D’abord j’ai voulu connaître cette période de l’Histoire et comprendre comment un antisémitisme d’Etat avait pu se mettre en place. J’ai décidé d’être une «passeuse de mémoire».

Vous donnez aussi des conférences sur ce thème.

Il y a en ce moment un relent des années trente, une montée des intégrismes que je n’aime pas beaucoup. La vigilance, cela s’apprend, cela se nourrit et les actes des Justes, celles et ceux qui ont prêté assistance aux Juifs menacés, sont des exemples. Il y a du reste eu plus de femmes que d’hommes. Ce sont des héros ordinaires, très humbles, libres dans leur conscience, désobéissant souvent à leurs chefs religieux ou politiques. A titre personnel, je joue les prolongations de mon métier et j’aime vraiment cela.

Comment s’intègre dans ce tableau votre engagement pour l’alphabétisation des femmes immigrées?

L’obscurantisme qui menace les femmes immigrées m’inquiète également. Notre atelier s’appelle «Femmes du monde». Voir une ex-analphabète lire son courrier et faire sa liste de courses est source de joie pour toute notre équipe. Par contre, j’ai très mal vécu au sein de l’atelier le renvoi, malgré nos démarches, d’une jeune femme turque chrétienne d’origine arménienne. Les visites au centre de rétention m’ont beaucoup marquée. Les faibles sont vraiment à protéger.

En tout cas, plus je lis la Bible et plus je prends du temps pour prier, plus j’ai la conviction qu’il faut être sur le terrain et «ne pas aimer en paroles mais en actes et en vérité», comme le dit l’apôtre Jean.

Dans tout votre parcours, qu’est-ce qui vous rend le plus reconnaissante envers Dieu?

Sa fidélité au quotidien. Il a effacé au prix du sacrifice de son fils toutes mes transgressions sans exception. C’est une folie aux yeux de la sagesse humaine et même pour le monde religieux libéral ou légaliste mais c’est une réalité au cœur de ma vie et cela personne ne peut me l’ôter. Quand on laisse en permanence à Dieu un «droit d’ingérence» dans notre vie, tout devient passionnant. Chaque matin, sa Parole me dit de choisir entre le bien et le mal mais il est écrit également que ses compassions se renouvellent à mon égard tous les jours.

Sandrine Roulet

SpirituElles

Article tiré du numéro SpirituElles 3-10 – Septembre-Novembre

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