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Elle écoute et soutient les soldats sur le champ de bataille

© Alliance Presse
Rien ne prédisposait Nathalie Guillet, mère de famille dotée d’une formation théologique, à devenir aumônier au sein de l’Armée française. Mais après dix ans de service, elle ne regrette pas son engagement auprès des militaires. Un service qu’elle conçoit à la fois comme une vocation et un travail.
Sandrine Roulet

Qu’est-ce qui vous plaît dans ce service d’aumônier aux armées?
Avant tout, c’est de côtoyer des personnes que je n’aurais jamais eu l’occasion de rencontrer. Avant d’être aumônier, j’ai été missionnaire en Afrique, puis épouse de pasteur. La plupart des personnes que je rencontrais étaient chrétiennes. En devenant aumônier, je suis entrée en contact avec une population d’âges et de niveaux sociaux divers. La plupart sont des « croyants non pratiquants ». C’est un parfait échantillon de la population française! Ma tâche consiste donc à accompagner au quotidien des personnes qui n’ont pas les mêmes opinions que moi. Je trouve cette confrontation réellement riche et passionnante.

Lors de vos missions à l’étranger, quel est votre rôle?
Accompagner et soutenir les soldats peut revêtir des formes multiples qui dépendent aussi de notre personnalité. En Côte d’Ivoire, en 2009, j’ai organisé une collecte parmi les troupes afin de financer les soins donnés par les chirurgiens militaires à un enfant africain gravement brûlé au visage. Pouvoir aider concrètement ce petit à retrouver la vue aidait les militaires à supporter leur longue mission loin de chez eux. En Afghanistan, pendant l’été 2010, le contexte était très différent. Sept soldats sont morts au combat. Ma tâche consistait à soutenir les militaires, moralement ou spirituellement. Sur les postes avancés, j’avais l’autorisation de monter dans les miradors. Je pouvais rencontrer ces soldats, parfois très jeunes, et les écouter. J’ai vécu là des moments inoubliables.

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Quelles interrogations reviennent
le plus souvent lors de vos entretiens avec les soldats?
Outre la question « classique » sur les différences entre catholiques et protestants, j’entends souvent les interrogations de la majorité de nos contemporains: si Dieu existe, pourquoi la souffrance? Pourquoi les religions sont-elles si souvent vectrices de conflits? En réalité, au travers de ces questions générales, mes interlocuteurs cherchent à se faire une idée de l’aumônier qu’ils ont en face d’eux. S’ils se sentent en confiance, ils osent se livrer un peu plus, partager leurs préoccupations, peut-être leurs souffrances. En opération extérieure, l’aumônier devient plus rapidement un confident, car là, on vit tous ensemble au même endroit pendant quatre mois ou plus.

Vous arrive-t-il de prier avec eux ou d’en conduire certains à confier leur vie au Christ?
Quand quelqu’un se sent suffisamment en confiance et qu’il est réceptif à la présence de Dieu, je peux proposer un temps de prière. Nombreuses sont les personnes non croyantes qui acceptent avec reconnaissance ma proposition! Je crois que nous tous, les chrétiens, avons pour vocation d’être des relais, des repères dans la vie de nos contemporains. En ce qui me concerne, j’attache une importance primordiale aux Eglises. Plus que de conduire moi-même des gens au Christ, mon rôle est de faire le lien entre ceux qui sont en recherche et les communautés chrétiennes capables de les accompagner sur le long terme.

Le fait d’être une femme est-il plutôt un avantage ou un inconvénient pour ce service?
Une des caractéristiques de l’armée est que chacun a un grade: on n’est pas un homme ou une femme, mais on est sergent, adjudant, capitaine, commandant, etc. Dans l’armée, je suis reconnue comme aumônier protestant. Même si elles sont minoritaires, on trouve des femmes de tout grade. Si les militaires sont parfois étonnés de nous voir, l’accueil est en général excellent. Et cela pour une raison très simple: on ne dit pas les mêmes choses à un homme qu’à une femme. On va donc nous confier des choses différentes, que l’on n’aurait pas forcément dites à un aumônier homme.

Vous est-il arrivé d’avoir peur pour votre vie?
Ma mission en Afghanistan n’a pas été une mission comme les autres. Les routes étaient dangereuses. Lorsque je partais, je laissais une enveloppe sur mon bureau, pour mon mari et mes trois grands enfants. Certains versets de la Bible prenaient un relief bouleversant. Je vous laisse imaginer la résonance d’Esaïe 54, 17, lu la veille de ma première sortie: « Toute arme fabriquée pour te faire du mal n’atteindra pas son but ». Je n’y voyais pas la promesse qu’il ne m’arriverait rien au cours de cette mission, mais j’y trouvais simplement l’assurance que Dieu serait là, quoi qu’il arrive. La peur est rarement présente quand on est dans l’action, sur le terrain. Elle est plus prégnante chez les familles qui sont loin.

Qu’avez-vous tiré de cette expérience?
De ma mission en Afghanistan et dans mon ministère en général, j’ai appris l’humilité. J’ai vu de jeunes garçons prêts à donner leur vie pour protéger un camarade ou leur chef de section. J’ai vu des incroyants plus courageux, plus généreux ou plus respectueux que d’autres qui clamaient leur foi. J’ai compris que le Dieu que je sers est grand et merveilleux, mais que moi je suis petite et faible. Ce n’est que lorsque je comprends vraiment cela que je peux refléter un peu la gloire inaltérable de notre Seigneur.

Sandrine Roulet

SpirituElles

Article tiré du numéro SpirituElles 3-11 Septembre – Novembre

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