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D’Hiroshima au pardon, la longue route de Luli

«J’ai commencé à voir mon passé sous un nouveau jour. Les circonstances terribles de ma naissance n’étaient plus une marque de naissance à cacher mais un don de Dieu pour que j’apprenne à aller vers lui». Le récit de Luli est celui d’une étonnante reconstruction. L’amertume aurait pu la ronger, elle a choisi la reconnaissance
Natacha Horton

Elle est née à Hiroshima. Luli, aujourd’hui quarante-cinq ans, fait partie de la seconde génération des survivants du bombardement du 6 août 1945, un événement qui «a tout changé». La plupart des membres de sa famille sont alors brûlés vivants. Sa mère, orpheline, est adoptée par une famille bouddhiste. Pour ceux qui survivent, la vie est amère. Ils ont tout perdu. «Ils étaient contraints à voir leur famille et amis exposés à la radiation agoniser et mourir, les uns après les autres», raconte la Japonaise.

La faute au karma
A Hiroshima, on cherche la réponse à l’injustice de la vie dans le karma. «Les péchés des vies antérieures étaient revenus sous la forme de la bombe atomique. Le seul moyen de sortir de ce mauvais karma était de payer le prix par la souffrance et les bonnes œuvres», explique Luli. Le mauvais karma peut être transmis à la génération suivante. Elevée dans un bouddhisme strict, la jeune fille entretient chaque jour le sanctuaire familial, réservé au grand-prêtre. Mais un jour, sa grand-mère furieuse la bat jusqu’au sang. Elle cherche de l’aide auprès du Bouddha. Dans un geste désespéré, elle ouvre le sanctuaire. «La maison de Bouddha était vide». C’est une immense déception.

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Ecole chrétienne
Luli se réfugie dans les livres. Bonne élève, elle est recommandée à une école chrétienne réservée aux filles. Elle étudie la Bible et assiste à un culte matin et soir pendant dix ans. «J’aimais la paix qui accompagnait le nom de Jésus, mais c’était aussi très confus car je devais continuer les offices bouddhistes à la maison», raconte-t-elle. «Jésus était très loin, trop saint pour s’occuper d’une personne maudite comme moi». A cela s’ajoute dans le cœur de la jeune femme un grand ressentiment à l’égard des chrétiens, associés pour toujours à la bombe A.

Echec dans le judaïsme
A vingt-huit ans, elle gagne la Grande-Bretagne en tant qu’étudiante en linguistique. Elle fait la connaissance d’un groupe de personnes dont les familles ont souffert de la Shoah. «J’ai senti une affinité avec eux et j’ai sérieusement étudié le judaïsme orthodoxe». Elle rencontre un rabbin à Londres pour se convertir officiellement. «Pendant l’entretien, Dieu est intervenu et a profondément touché mon cœur». Lorsque le rabbin l’interroge, elle ne peut s’empêcher de dire que c’est Jésus qu’elle adore. Plus qu’un examen raté, c’est le rejet de toute une communauté qu’elle subit. Elle perd toutes les relations sociales construites en Grande-Bretagne jusque-là. L’expérience est douloureuse, il faut repartir à zéro.

Nouvelle famille
Luli se retrouve finalement dans une Eglise où elle rencontre des chrétiens qui deviennent pour elle une famille. Sa foi et sa connaissance de Dieu grandissent. Elle rencontre Robb, un Hollandais qu’elle épouse. Elle devient aussi professeur à l’université et interprète.

Mais la Japonaise reste prisonnière du légalisme. «J’ai pris l’habitude de me glorifier dans certains actes religieux, pensant que ces choses assureraient mon entrée au ciel. Je croyais que j’avais acquitté une grande partie de mes dettes envers Dieu». Ironiquement, cette fierté intensifie sa colère au sujet de son passé et elle continue de se sentir coupable d’un mauvais karma.
«Avec le temps, Dieu m’a enseigné que personne ne pouvait gagner son amour, parce qu’il l’avait déjà donné au travers de son fils». Consciente du pardon dont elle a bénéficié, Luli choisit à son tour de pardonner à ceux qui ont détruit sa ville natale. «Ma vie à moi, ni la précédente ni la suivante, est la seule que j’aie. C’est la seule chance pour moi d’aimer Jésus et de le suivre», conclut-elle.

Natacha Horton

SpirituElles

Article tiré du numéro SpirituElles 4-09 – Décembre – Février

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