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Amies et collègues: est-ce possible?

© Alliance Presse
On passe parfois plus de temps avec ses collègues qu’en famille ou avec ses amis. Alors pourquoi ne pas développer des amitiés au travail, ou encourager nos amies à venir travailler avec nous? Camille, Mireille et Rose racontent leurs expériences et les confrontent à un spécialiste
Rébecca Reymond

Camille, vétérinaire de quarante ans, s’est toujours fixé des limites claires au début d’une nouvelle activité professionnelle. Elle n’invite pas à la maison, ne participe pas à des soirées avec ses collègues, car elle souhaite qu’ils se fassent d’abord une idée objective d’elle, en rapport avec ses compétences et ses qualités professionnelles: «Lorsque l’entente sur le plan professionnel est acquise, je me sens plus à l’aise de montrer aussi des aspects plus privés de ma personne», explique-elle.

Mireille, fleuriste de trente-cinq ans, n’a pour sa part jamais eu de réticences à voir ses collègues en dehors du travail. Elle est même partie en vacances avec sa cheffe: «Si je m’entends bien avec une collègue, c’est un peu inévitable; ça ne me pose aucun problème.»

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Léonard Vullioud, psychologue à Tramelan (Jura bernois), relève que le choix reste personnel et qu’il est difficile de définir une seule ligne de conduite. «Il y a une question de cercles d’appartenance: la vie est organisée avec un cercle familial, un cercle professionnel, un cercle amical, un cercle sportif, etc. Certains peuvent aisément se chevaucher alors que d’autres ne supportent les intersections.»

Tempéraments différents
Au tout début de sa carrière, Mireille a postulé pour un poste sur l’invitation d’une amie. Une fois devenue sa collègue, elle a vécu des tensions avec elle, sur leur lieu de travail et jusqu’au dehors: «Elle avait un tempérament de patronne. Elle travaillait beaucoup et m’imposait ses idées, sa façon de voir», se souvient-elle. «Lorsqu’on se voyait en privé, c’était tendu. On n’arrivait plus forcément à se dire les choses. Après un an, je suis partie en voyage et la situation a de fait pris fin». Aujourd’hui, Mireille travaille à temps partiel pour cette même amie, devenue sa patronne et la situation s’est clarifiée: «Les rôles sont bien définis, elle respecte les limites que je me suis fixées, la priorité que je donne à ma famille. Mais si elle me demandait de m’associer à elle, je refuserais», explique encore Mireille.

Relations hiérarchiques
Rose, infirmière de cinquante ans, est devenue la cheffe d’une amie. Elle explique: «Dans la sphère professionnelle, je n’ai jamais eu à prendre de décision particulière la concernant, mais j’ai clairement ressenti qu’elle était tiraillée entre le “camp des employés” et notre amitié. Nous avons commencé à être mal à l’aise l’une vis-à-vis de l’autre. Nous évitions de parler du travail, alors que nous pouvions le faire librement avant», raconte-elle. Aujourd’hui, elle se rend compte qu’en acceptant cette promotion, elle a perdu une amie. Elle a passé des nuits difficiles, à réfléchir au moyen de résoudre au mieux le conflit, mais n’a rien entrepris, se sentant comme paralysée: «J’avais l’impression de devoir choisir entre mon poste et mon amitié. Comme je n’ai pas quitté mon travail, mon amie est devenue une copine comme une autre, la confiance a été rompue.»

Les règles de l’amitié
En règle générale, il faut être conscient que de travailler avec un ami ou une amie va transformer la relation, soit pour l’enrichir soit pour la mettre à mal si la collaboration est difficile. Quant à l’évolution d’une relation professionnelle en une relation d’amitié, la même règle vaut que pour toute relation: le besoin de la nourrir. Les points communs et les expériences vécues ensemble permettent souvent à une amitié naissante de survivre en cas de réorientation professionnelle de l’une des deux personnes. Si l’amitié était avant tout cimentée par les questions professionnelles, l’adage «loin des yeux, loin du cœur» se vérifie souvent.

Rebecca Reymond


Les questions à se poser avant de mêler le travail et l’amitié

Suis-je à l’aise dans mon travail, puis-je y développer mes qualités, y suis-je reconnu?
Mieux vaut en effet tenter sa chance quand tout se passe bien au travail. «Les difficultés relationnelles sur le lieu de travail viennent souvent d’aspects de notre propre vie avec lesquels nous ne sommes pas en paix», explique Léonard Vullioud. «Ce n’est pas un collègue qui nous met en difficulté: il est le révélateur d’un domaine de sa vie dont on a à s’occuper», précise Léonard Vullioud. Les problèmes professionnels auront tendance à déteindre sur les relations avec ses amis-collègues.

Serai-je capable de travailler avec cette amie?
Etre amie avec quelqu’un ne signifie pas encore être capable de travailler avec cette personne. Le fait d’avoir des personnalités différentes peut colorer la relation d’amitié, mais mettra sous pression la relation de travail: l’une très ordrée et l’autre aimant le capharnaüm, l’une réservée et l’autre très chaleureuse.
Avant de s’associer avec une amie vétérinaire, Camille est partie en voyage avec elle. Elle a pu observer sa façon de réagir aux imprévus, sa flexibilité et son endurance et se préparer à leur future collaboration.

Ai-je du plaisir à passer du temps avec cette collègue? Pourquoi?
L’émergence d’une amitié entre collègues se produit souvent de manière naturelle. La relation se construit au fur et à mesure qu’elle investit la sphère privée de chacune. Mais «pour qu’elle dure, il est important de distinguer clairement les temps, travail et privé», conseille Mireille, amie avec sa patronne depuis plus de dix ans. En effet, la relation d’amitié, tout comme la relation conjugale, a besoin d’être nourrie.

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