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35 ans de déni

© Alliance Presse
L’histoire de Christiane aurait pu ressembler à celle de beaucoup d’autres victimes d’inceste. Pourtant, après des décennies d’enfer, son chemin a croisé celui du Christ. Cette rencontre lui a permis de sortir la tête hors de l’eau. Petit à petit, elle a pu faire face à son passé et commencer à guérir
Christian Willi

Dans le rôle de princesse, de petite fille chouchoutée, Christiane avait une grande admiration pour son père, son héros. Jusqu’au jour où, à l’âge de cinq ans et durant une balade, elle s’est retrouvée victime d’un père indigne puis prisonnière de ce terrible secret. Aujourd’hui, Christiane se dit toujours en convalescence : «J’ai mis trente-cinq ans pour me souvenir», confie-t-elle, ne sachant pas très bien combien de temps ont duré les abus.

Ballotée
Ce dont elle se souvient, c’est qu’un jour, la police est venue emmener son père. Mais ce ne fut pas une délivrance. Ses frères et sœurs et elle sont retirés à leurs parents et placés dans des familles d’accueil. Un contrôle des assistantes sociales révèlera que la petite Christiane est maltraitée. Elle est régulièrement enfermée dans un placard. La voici donc envoyée dans un foyer.
Elle y découvre pour la première fois l’amitié, avec d’autres pensionnaires. Mais son quotidien est aussi marqué par la détresse, les cauchemars, des troubles alimentaires et l’automutilation. A neuf ans, elle fait une tentative de suicide, la première : «Vivre dans le déni pousse à la dépression», explique-t-elle. Avec le recul, elle pense que sans Jésus, elle ne serait plus de ce monde.

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Vers la foi
Lors de la venue du prédicateur américain Billy Graham à Paris, en 1986, la sœur de Christiane, avec qui elle a gardé contact, lui demande de garder ses enfants. Car elle chante dans la chorale constituée pour l’occasion. «Lorsqu’ils sont rentrés en fin de soirée, ils m’ont parlé de ce qu’ils avaient entendu», relate Christiane. «Le lendemain, je les ai accompagnés dans une Eglise où les soirées étaient retransmises par vidéo-conférence. J’étais au premier rang. Billy Graham a dit : “Tu peux naître de nouveau”. J’ai immédiatement répondu positivement». La nuit suivante est la première qu’elle passe sans faire de cauchemar depuis longtemps.
Mais ce tournant dans la vie de Christiane ne résout pas immédiatement son passé. Aujourd’hui encore, certaines séquelles subsistent. «Il ne m’est pas facile de faire confiance à autrui, à Dieu. En effet, la blessure dûe à la trahison de mon père est très profonde». Face à cette méfiance instinctive, un texte biblique du Psaume 139 transforme peu à peu son cœur : «C’est moi qui t’ai créée et je ne fais pas d’erreur». Mariée et mère de famille, elle découvre chaque jour un peu plus la beauté de l’amour au sein d’une famille.

Le temps du pardon
«Le pardon est une puissance qui libère», Christiane l’affirme. La difficulté est cependant venue pour elle de la souffrance qui subsistait. «Des personnes m’ont dit que si je n’allais pas mieux, c’est que je n’avais pas réellement pardonné», se souvient-elle. Sa volonté n’était pourtant pas en question, mais ses sentiments. Loin de se laisser culpabiliser, la Française a acquis la conviction qu’il faut être mûre pour pardonner et que cela prend parfois du temps. Ce geste, elle a pu le faire en 2007, de façon posthume, puisque son père est décédé lorsqu’elle avait treize ans.
Invitée à témoigner de son expérience, Christiane a décidé d’écrire Les petites fleurs ne meurent jamais, livre sensible, lucide et rempli d’espoir. Elle se sent investie d’une mission : celle d’informer, d’écouter et d’accompagner les personnes qui ont vécu l’inceste, comme elle. Elle veut pouvoir leur dire qu’un autre avenir est possible.

Christian Willi

SpirituElles

Article tiré du numéro SpirituElles 3-09 – Septembre-Novembre

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